Arctique, la bombe à méthane est amorcée

Le processus de dégazage de l’Arctique semble amorcé. Au cours des dernières semaines, deux expéditions océanographiques ont mesuré d’importantes émanations de méthane, un gaz jusque-là stocké sous forme de glaces (les hydrates de méthane) dans le sous-sol marin boréal. En mer de Sibérie orientale comme en mer de Laptev, l’expédition, menée par des scientifiques suédois à bord du navire de recherche russe Jacob Smirnitsky, a enregistré des concentrations inhabituelles de méthane dissous : elles atteignent, par endroits, des valeurs cent fois supérieures à la concentration moyenne. Ce processus de dégazage s’étend sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés du plateau continental sibérien, ce qui signifie que des millions de tonnes d’hydrates de méthane enfouies dans le permafrost sous-marin pourraient bientôt se retrouver dans l’atmosphère... Au large de la Sibérie, le dégagement de méthane était par endroits si intense que les bulles de gaz faisaient bouillonner la surface de la mer.
Peu après, une autre expédition, travaillant à bord du navire britannique James Clark Ross, a observé à son tour plus de 250 panaches de méthane s’élevant vers la surface au nord- ouest de l’archipel du Svalbard. Le phénomène est d’autant plus inquiétant que le méthane est un gaz à effet de serre vingt fois plus actif que le gaz carbonique. Or les quantités de glaces de méthane stockées au fond de l’océan Arctique sont bien plus importantes que la totalité du carbone contenu dans les réserves mondiales de charbon ! La libération massive de tout ce gaz dans l’atmosphère pourrait provoquer l’emballement de la machine climatique.

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Sylvie Rouat
Sciences et Avenir

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