Voeux de nouvel an par Jean-Marc Jancovici

, par Gilbert Fernandes

La nouvelle année est l’occasion de prises de décisions et d’orientation politiques. Malheureusement, nos dirigeants semblent ne pas avoir compris l’urgence de la situation et les causes profondes de la crise économique qui nous frappe. Du coup, notre président tente de répondre avec les techniques du XXème siècle aux problèmes issus de cette même économie débridée !
Nous allons droit dans le mur !

Article tiré d’un email de JM Jancovici.

Chers ami(e)s, collègues, et tout le reste de la ridicule fraction de la
population francophone qui lira ceci (qui est bien un message de voeux,
si si, il suffit d’attendre la fin),

Pendant 5 secondes, j’y ai cru. Pensez donc : c’est la première fois
depuis que je suis né (et vous aussi) que nous avons à la fois un
candidat qui a signé le pacte écologique, un N°2 du gouvernement en
charge de l’environnement (même que le premier titulaire était ancien
premier ministre), un Grenelle avec Greenpeace embrassant presque le
Ministre sur la bouche, et enfin 2 prix Nobel (Sen et Stiglitz) chargés
de remplacer le PIB par quelque chose de plus djeun’s. Ca ne faisait
donc pas un pli : le plus célèbre jogger national était à 2 doigts
d’écrire avant moi quelque chose comme
www.manicore.com/documentation/serre/decroissance.html

C’est dire si je la guettais, pendant les voeux, la petite phrase du
locataire de l’Elysée expliquant que ce qui nous arrivait ressemblait
bigrement à une crise de ressources
(www.manicore.com/documentation/articles/Subprime.html), qu’il n’y avait
rien d’étonnant à voir une récession à la suite d’une envolée du prix du
pétrole, comme cela a toujours été le cas depuis 1970, et que l’urgence
était donc de "sortir l’économie du pétrole" si on voulait garder un bon
souvenir de l’avenir en général et de lui en particulier (revoir
www.manicore.com/documentation/petrole.html, où je m’étais même permis
un pronostic sur le chômage "entre 2007 et 2009" ; à l’époque j’aurais
du parier quelques bouteilles de champagne si j’avais eu le coeur à le
faire sur un sujet aussi peu comique).

Je le voyais donc arriver gros comme le nez au milieu de la figure, le
couplet sur le fait que la relance serait environnementale ou ne serait
pas (en plus y avait qu’à copier Obama, même pas la peine que les
conseillers de notre présent se creusent la caboche), puisqu’il n’y aura pas plus
d’activités économiques sans ressources naturelles que de beurre sans
lait. Et bien j’en aurai été pour mes frais : rien ! nada ! nib !
peau-de-balle ! bernique ! Pas le moindre atome de carbone dans
l’allocution ! Pas la moindre ressource environnementale dans la feuille
de route ! Pas la moindre ambition de nous "sortir du fossile" alors que
(presque) tout ce que la planète compte de pétroliers et de scientifiques du climat
est pendu à la corde du tocsin !

Tiens, rien que pour rire, et pour vous montrer que je sais tout aussi
bien faire la pub des autres, allez donc télécharger la manière dont
Shell - pas spécialement connu comme groupe d’activites écolos - voit
notre avenir énergétique en "business as usual" dans les décennies qui
viennent :
http://www.shell.com/home/content/aboutshell/our_strategy/shell_global_scenarios/shell_energy_scenarios_2050/shell_energy_scenarios_02042008.html

(il s’agit du scénario "scramble" dans ce document). Pour ceux qui
n’auront pas le temps, je vous la fais courte (mais bonne) : si nous ne
prenons pas le taureau énergétique par les cornes très très très très
vite, c’est le b... noir qui nous attend dans les décennies qui
viennent, et pas du tout la merveilleuse relance promise par tout ce que
le gouvernement compte de doux rêveurs oubliant qu’il y a des limites
physiques à prendre en compte dans nos visions de l’avenir.

En prolongation tendancielle, le bazar n’attendra hélas pas 2100, ni même
2050, mais il sera là dans (moins d’)une génération. Du pétrole en
quantités croissantes pour l’éternité ? Fume ! Dès à présent, une
trentaine de pays producteurs de pétrole - et pas des moindres - ont
passé leur pic de production, ou vont le passer très prochainement
(www.manicore.com/documentation/pic.html). Et on ne parle même pas du changement
climatique, où les publications scientifiques récentes montrent à peu près toutes que
l’évolution va plus vite qu’on ne le pensait avant, même si la température en France en ce
4 janvier vous persuadera du contraire (mais la France c’est 0,1% de la planète ; certes
nous sommes au centre du monde mais nous n’occupons pas toute la place disponible :-) ).

Et à la place d’un plan qui ravirait les quelques millions d’enfants de
notre pays, que nous concocte notre président ? Une "relance économique"
basée sur ce qui a fonctionné au 20è siècle, en croyant que ca va
continuer à fonctionner à l’avenir, avec force vente de voitures et
kilomètres d’autoroutes, une pincée d’immobilier en banlieue étalée pour
pimenter le tout (car l’étalement urbain est la conséquence concrète des
prêts actuels), en nommant même un ministre pour faire le contraire de ce que devrait
normalement faire Borloo. Y’a pas à dire, la politique c’est un beau métier.

Pour achever de faire sérieusement douter de la sincérité de notre
premier magistrat quand il dit qu’il a compris le lien entre
environnement et économie ("vu de Mars", tout ca ne serait qu’une
posture que les discours et actes ne seraient pas différents), nous
avons droit à l’admiration du président pour Allègre, remis en selle
pour s’occuper d’innover dans la recherche. Pour les scientifiques du
climat, une telle nomination n’est pas beaucoup plus sympathique que si
le président les avait directement injuriés en public, ou à peu près
(www.manicore.com/documentation/serre/ouvrages/verite.html). Quelqu’un
pourrait-il faire respectueusement remarquer à notre amoureux transi que
nous sommes au 21è siècle depuis 8 ans déjà, et qu’il est temps de
laisser au vestiaire les croyances et personnages du 20è ?

Allons, ne nous laissons pas aller au désespoir, car il y a au moins un
avantage à ce que notre Nicolas national ait décidé de parler d’avenir
sans parler d’environnement : je peux le faire sans que vous ayez à
craindre le réchauffé. Mais avant de parler du fond, on va faire un
petit détour par la forme. En effet, à force de me faire réprimander par
tou(te)s celles et ceux qui m’expliquaient que oui, Manicore, très bien
tout ca, mais que c’était un b... noir pour s’y retrouver, et que le
graphisme devait dater de la grotte de Lascaux ou à peu près, j’ai enfin
franchi le pas du web 0,1 point zéro !

Manicore en 2009 vous offre donc :
 des menus déroulants permettant d’accéder à n’importe quelle page en
un "one clic", et ce quelle que soit la page sur laquelle vous êtes,
 un moteur de recherche (merci google) accessible en permanence, quelle
que soit la page affichée,
 un plan d’ensemble du site accessible en permanence
 un retour vers le haut de page accessible quelle que soit la page
(quand vous êtes en bas),
 la bonne adresse de la page consultée qui s’affiche dans le
navigateur, ce qui simplifiera les signets et les envois de pages aux
cop(a)in(e)s à démoraliser,
 et je dois en oublier, puisque ce n’est pas moi qui ai fait le boulot :-)

Seul inconvénient : la techno moderne consomme du temps de CPU, et
l’affichage des pages est désormais un peu moins rapide. On n’a rien
sans rien....

A l’occasion de ce grand nettoyage d’hiver, j’ai fait quelques mises à
jour secondaires :
 sur la page sur les conférences passées
(www.manicore.com/documentation/articles/zazie.html ; surtout dans le
bas de la page)
 sur les entretiens parus dans la presse (6 en 6 mois, ce n’est hélas
pas moi qui vais sauver la baisse des tirages ;
www.manicore.com/documentation/articles/plein_critiques.html),
 sur la page pour les prochaines conférences prévues, les 3 prochaines
en libre accès étant toutes parisiennes
(www.manicore.com/documentation/articles/avenir_media.html)

Vous n’aimez pas l’informatique et préférez la "vieille" économie, avec
force papier ? Tout est prévu ! Je suis en effet heureux de vous
annoncer la prochaine parution :
 le 15 janvier prochain, de "le réchauffement climatique expliqué à ma
fille" (www.manicore.com/documentation/articles/explique.html),
 et, une semaine après seulement (le 22 janvier), de "c’est maintenant
 !", qui constitue la suite du "plein s’il vous plait", avec la même
doublette infernale aux manettes
(www.manicore.com/documentation/articles/maintenant.html).

Je précise que que, heureusement pour mon éditeur, on peut lire le
premier même si on n’est pas ma fille (sinon, le pauvre, en financant un
bouquin pour 2 lectrices seulement, il se préparerait à boire un de ces
bouillon, pire que la Société Générale), et qu’on peut lire le second
même si on n’a pas (encore) de fille !

Alors n’attendez pas : précipitez vous chez votre banquier, et implorez
le à genoux d’utiliser une partie des 300 milliards du plan de sauvetage
des banques pour vous laisser augmenter votre découvert de 26,5 euros,
parce que le sujet le vaut bien. Du reste, votre banquier tirerait le
plus grand profit de la lecture du second, puisque nous annonçons
benoîtement que les crises environnementales se traduiront (entre
autres) par des déconfitures bancaires en série. Ca ne vous rappelle
rien.... ?

Là-dessus, finissons par le meilleur, et le plus évident en ce 4 janvier de l’an de grâce
2009 : tous mes voeux pour l’année à venir, qui sera assurément une année "intéressante"
sur les fronts de l’énergie et du changement climatique. Je ne sais pas si ca sera bon ou
mauvais, mais au moins l’ennui ne sera pas au rendez-vous, ca sera toujours ca de pris !

Très cordialement à tous

Jean-Marc Jancovici