La taxe Carbone doit-elle sauver le climat, ou notre économie ? L’intérêt de la taxe Carbone est-il de faire réduire les émissions de CO2 ou d’éviter les crises économiques à répétition ?
La mise en place de la taxe Carbone, défendue par plusieurs pays, dont la France, et même l’Europe, est présentée comme un outils pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais cet outils n’aurait-il pas d’autres vertus, voir d’autres buts ? La réduction de notre dépendance énergétique ne serait elle pas une bonne chose pour l’économie Européenne ? Les crises économiques ne sont-elles pas la conséquence d’une hausse du prix du baril de pétrole ?
Épuisement des énergies fossiles
Les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) sont non-renouvelables à l’échelle de la société humaine (il faut entre 50 et 150 millions d’années pour refabriquer le stock). Donc mathématiquement leur volume disponible pour les hommes est limité et leur production va finir par s’épuiser. C’est ce que disent les experts pétrolier de l’ASPO (voir le rapport d’avril 2010, partie 1 et partie 2.
La production énergétique mondiale (toutes énergies confondues) s’apprête à plafonner (dans les prochaines années) avant de diminuer inexorablement (d’ici 20 ans environ). La production de pétrole sera la première à chuter, probablement durant cette décennie, tous les acteurs du milieu s’accordent sur ce point (même l’AIE). D’ailleurs plusieurs dizaines de pays producteurs de pétrole voient leur production décliner depuis des années, voir plusieurs décennies.
Dans ce cas, que va-t-il se passer ? les pays producteurs et exportateurs vont garder leur production pour eux, et arrêter leurs exportations, voir devenir à leur tour importateur. C’est le cas de l’Indonésie qui est sortie de l’OPEP en 2007 car sa production est devenue inférieur à sa consommation intérieure (pourtant le prix du baril était haut !).
La crise économique : la conséquence du pétrole cher
Et quand la production baisse, alors que la demande augmente : le prix explose ! c’est la règle dans l’économie de marché (offre faible + forte demande = prix élevé). Mais il y a une autre conséquence méconnue, c’est que la hausse du prix du pétrole provoque une crise économique mondiale.
C’est ce qu’ont démontrés plusieurs chercheurs qui ont mis en corrélation le prix du baril à New-York, et les crises économiques mondiales. A chaque fois que le baril monte, une crise économique a lieu, créant du chômage, et ainsi réduisant le pouvoir d’achat des client, et donc réduisant la demande (ce qui fait chuter le prix du pétrole car offre stable + baisse de la demande = baisse du prix).

De plus, plus l’énergie (essence, gazole, gaz, ...) est bon marché, plus les citoyens en consomment. En Europe, les carburants auto sont fortement taxés, et les voitures consomment 2 fois moins qu’aux USA (l’essence coute 2 fois moins cher là-bas que chez nous). Plus un carburant est taxé, moins le consommateur en consomme (en volume), et plus les voitures sont performantes (car les constructeurs doivent être performant s’ils veulent pouvoir convaincre les clients d’acheter leurs véhicules). Du coup, un carburant peu taxé n’est pas forcément un cadeau fait aux clients (et citoyens), car il incite à la consommation, au gaspillage, et de fait, provoque un épuisement plus rapide du stock.
Aura-t-on assez de pétrole pour nous ?
Dans ce cas de figure que va-t-il se passer en Europe ? nos producteurs vont-ils réussir à "fournir tous le monde" ?
Regardons (chiffres issus du site de BP) :

Nous avons 2 gros producteurs de pétrole en Europe (hors Russie) : la Grande-Bretagne et la Norvège. Le Danemark, 3° est situé loin derrière. Et ces 2 producteurs voient leur production diminuer depuis près de 10 ans (épuisement du gisement de la mer du Nord). Mais si nous regardons la consommation de ces mêmes pays, nous voyons que la Grande-Bretagne est déficitaire depuis quelques années, et que le Danemark n’a que peut de marge d’exportation. La Norvège pourrait-elle alimenter le reste de l’Europe ? Non !. Elle pourrait fournir l’Allemagne ou la France, mais pas les 2 (La France et l’Allemagne cumulés représentent le double de la production de la Norvège. Le total de la consommation Européenne (en dehors de ces 3 pays) représente en gros 6 fois la production norvégienne. L’Europe, et la France en premier lieu, est très dépendante des importations de pétrole.

Pour le gaz naturel, il en est de même. Nous avons le même trio de producteurs (GB, Norvège et Danemark), mais avec la différence que la production du Danemark est relativement stable, et que celle de Norvège continue d’augmenter encore (pour quelques années).
Au niveau de la consommation, là encore la Grande-Bretagne est déficitaire depuis quelques année, seul la Norvège et le Danemark sont en situation d’exportateur. Combien de pays peuvent-ils fournir ? En gros, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Mais seulement 1/3 de la totalité de l’Europe (hors Grande-Bretagne). Là aussi nous sommes tous dépendant des importations.
De plus, les prévisions indiquent que la production de gaz norvégien devrait bientôt baisser, de même que celles du Danemark, qui devrait, d’ici 10 ans, ne plus être exportateur de gaz (sa consommation interne devenant supérieur à sa production).
En conclusion, L’Europe importe la majorité de son énergie à l’étranger, et ce pourcentage ne va faire que monter, sauf à réduire drastiquement notre consommation. Nous nous préparons donc à devenir de plus en plus dépendant d’une liste de pays qui va être de plus en plus courtisés, et surtout de plus en plus limités. Saurons nous conserver leurs faveurs ? et à quel prix ?
Augmentation de la taxe ou augmentation du prix brute ? il faut choisir !
Paradoxalement, la seule chose dont nous pouvons être sûr, c’est que le prix de l’énergie va monter. Le plafonnement de la production, et sa baisse inéluctable (il faudrait 50 millions d’années pour reproduire du pétrole), nous assurent d’une hausse prochaine du prix du brut si la consommation au niveau mondiale ne diminue pas au moins aussi vite que la production. Inversement, pour faire diminuer la consommation, la seule solution qui ait vraiment fonctionné sur le dernier siècle, c’est l’augmentation de son prix (les différentes politiques de "chasse au gaspi" n’ont rien donné, même si elles ont couté très cher). C’est pourquoi la taxe carbone, qui vise au final à augmenter le prix du carburant pour dissuader l’utilisateur de le consommer serait un très bon outils pour faire baisser progressivement la consommation (en augmentant progressivement et de manière contrôlé le montant de cette taxe). Mais cette méthode ne plait guère à 2 catégories de personnes :
– les citoyens consommateurs, qui n’aiment pas voir monter les prix (on les comprend), mais ils n’ont pas le choix, et ne le savent pas malheureusement.
– les pays producteurs de pétrole (et de gaz), car plus les taxes sur l’énergie sont hautes dans les pays consommateurs, moins ceux-ci achètent en quantité, et moins les prix du brut sont haut sur le marché international, et donc, moins ils gagnent d’argent chaque année en vendant leur produit. Il faut savoir qu’en Arabie (ainsi que pour un grand nombre de pays du moyen-orient), le cout de production net d’un baril de pétrole est entre 5 et 10 $ le baril, alors qu’il va être vendu entre 70 et 100 $ pièce (voir 140 $ mi-2008). Le bénéfice réalisé est donc de 60 à 95 $ le baril (voir plus). Pour mémoire, l’Arabie Saoudite produit plus de 10 millions de barils par jour, soit un bénéfice net quotidien de plus de 600 millions de $. On comprend que les pays producteurs n’ont pas envi de voir leur pactole grignoté par une taxe Européenne ou américaine ! D’où le lobbying à Copenhague de l’Arabie Saoudite et d’autres pays producteurs contre le GIEC, le réchauffement climatique et la taxe Carbone !
La différence concrète pour nous français, entre ces 2 modes d’augmentations du prix de l’essence, est que :
– dans un cas (la taxe Carbone), le surcout que nous payons à la pompe va dans les caisses de l’état français, et permettra peut-être de construire quelques tramway, ou lignes de chemin de fer (les idées de dépenses et d’utilisation de cet argent ne manque pas). Mais aussi que l’augmentation sera progressive et contrôlée ( X centimes chaque année).
– dans l’autre cas (augmentation du prix du brut), l’argent supplémentaire sortira de France, ira dans les caisses de l’Arabie Saoudite, la Russie, le Vénézuela et autres, augmentant un peu plus notre déficits commercial, et ne donnant rien de plus à l’état français (sauf des chômeurs). De plus, ces augmentations seront rapides et brutales comme en 2007 où le prix de l’essence (et du gazole) est monté de près de 40 cts d’E sur 1 an. Aux USA, le prix du carburant a carrément été multiplié par 2 (car ils ont très peu de taxe sur le carburant).
En Conclusion
La taxe carbone avait été présenté comme le moyen permettant à long terme de limiter l’impacte du changement climatique (essayer de limiter à 2° la hausse moyenne des températures). Mais cette action n’est que la conséquence de toute une série de "vertus" ayant des actions à bien plus court terme :
– maîtriser la hausse (inéluctable) du prix des carburants
– donner une chance à l’Europe (gros importateur de pétrole et de gaz) de pouvoir trouver des pays exportateurs qui veulent bien lui vendre autant d’énergie qu’elle aimerai en acheter (en réduisant les quantités d’énergie qu’elle souhaite acheter)
– éviter des crises économiques cycliques qui reviendraient tout les 3 ou 4 ans, dès que l’économie redécolle un peu, et que la consommation dépasse les capacités de production (qui vont diminuer avec le temps).
– fournir à l’état français des ressources financières plutôt que d’envoyer l’argent de l’augmentation du prix du pétrole dans les pays producteur.
Et en dernier lieu : réduire nos émissions de CO2 (par la réduction de notre consommation de pétrole/gaz/charbon), et donc stopper l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère, et donc stopper le réchauffement de la planète, et donc le arrêter le dérèglement climatique.