Les générations passées n’ont-elles rien fait de bien ?

Nos parents nous ont-ils laissé un monde pourri ? Sommes-nous mis dans une situation environnementale impossible du fait de la bêtise et l’inconscience des générations précédentes ?

, par Gilbert Fernandes

Un vieux proverbe africain dit que « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous la recevons en prêt de nos enfants ».

Or nous pouvons nous demander si la terre que reçoivent aujourd’hui nos enfants, n’est pas un triste héritage reçu de leurs parents, de nous adultes : le trou dans la couche d’ozone, le changement climatique, les déchets radioactifs, la pollution en générale, l’épuisement des ressources naturelles, la pénurie prochaine en hydrocarbures, tout cela réunit semble bien être un "triste héritage". Entre le climat qui se dérègle, et l’énergie qui s’apprête à manquer : dans quel monde allons nous vivre la prochaine décennie ? Dans quel type de monde vont devoir vivre nos enfants ?

J’avoue que cette question m’a hanté un moment, me laissant un sentiment de culpabilité. Puis je me suis tourné vers l’histoire, le passé pour savoir d’où nous venions, et comprendre là où nous étions (déjà) arrivé.

Toutes les générations ont eu leur combat à mener

De tout temps l’homme s’est battu pour améliorer son quotidien, offrir une vie meilleur à ses enfants. Par des progrès de la science, la technique, par la diffusion de nouvelles idées (la république, la démocratie), par la constitution d’un état de droits, ...

Si nous regardons un peu en arrière, juste sur 1 siècle, nous voyons que de nombreuses épreuves ont frappées le monde, et que chaque génération a courageusement relevée le défit qui lui été opposé.
 D’abord la première guerre mondiale, déclenché par un jeu d’alliances qui était au départ supposé garantir la paix. Les hommes qui se sont battus sur le front ont payés un lourd tribut pour défendre (chacun dans son camps) leur pays.
 Puis il a fallut se battre contre le fascisme et le nazisme pour défendre "le monde libre". Ce fut la seconde Guerre Mondiale, très dur, avec de nombreuses erreurs, mais aussi des gestes forts de bravoure et de solidarité.
 Sont venus ensuite les guerres de décolonisation où des peuples se sont levés pour demander leur liberté et leur indépendance. S’il y a eu ici aussi, parfois des jeux politique et des intérêts particuliers, ces mouvements visaient pour la majorité des hommes à donner à leurs enfants un monde meilleur à vivre.
 Pour nous en Europe, nos grands-parents et parents ont su nous préserver des horreurs d’une 3° Guerre mondiale, que l’on a frôlé à plusieurs reprises.
 Le communisme s’est totalement effondré en 10 ans (il reste la Chine c’est vrai). La grande menace à la fois interne (idéologie politique) et externe (menace militaire des pays de l’Est) n’est plus. Les années 1990 ont révélées au monde que le beau rêve n’était en fait qu’un cauchemar. Et cela avec très peu de violence (comparé à ce que l’on pouvait craindre, regardez Tien an men !)

Les progrès techniques qui ont explosé depuis le 19°siècle, nous ont permis de disposer (au moins pour nous occidentaux) d’un monde des plus confortables et agréable qu’il n’a jamais existé.
 Les machines remplaçant l’homme ont fait presque disparaitre tous les travaux pénible et de force. Les travaux dit aujourd’hui "pénibles", feraient doucement rigoler nos ancêtre d’il y a seulement 1 siècle. Nos maisons sont confortables et disposent de l’eau courante, du chauffage, de l’eau chaude, de l’éclairage et des moyens de communication. Tout ceci n’était pas du tout la norme il y a seulement 3 générations.
 Le transport est devenu facile et rapide partout dans le monde. Nous pouvons acheter pour presque rien des produits qui viennent de partout dans le monde. Chose impossible sans les progrès du XXème siècle.
 les progrès de la médecine et de l’hygiène garantissent à tout enfant qui né aujourd’hui en Europe une espérance de vie de 70 à 75 ans minimum, plus de 60 ans pour un Indien (pourtant un pays en voie de développement). Il y a seulement 2 siècles, en France, l’espérance de vie d’un bébé était d’un peu plus de 20 ans s’il naissait en ville, et un peu moins de 30 s’il naissait à la campagne : la mortalité infentile faisait des ravages (très peu de bébés dépassaient l’age de 5 ans, beaucoup de femmes mourraient en couche).

Décennies après décennies, nous pouvons remarquer que chaque génération a eu ses combats, ses épreuves et nous a fait progressé vers le monde d’aujourd’hui. Et parfois le prix à payer fut cher, très cher !
Il y a aussi eu parfois des erreurs commises, et c’est alors à la génération suivante de les corriger (comme ce sera le cas pour nos propres enfants qui devront à leur tour corriger nos propres erreurs !).

Notre plus bel héritage : la paix et la démocratie

Pour nous Européens, le plus bel héritage que nous laissent nos parents sont ces 60 ans (et plus) de paix et de démocratie en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale (ce qui n’était pas arrivée sur une aussi longue période depuis plusieurs siècles pour la paix, nous ne parlerons pas de la démocratie difficilement jugeable dans les régimes monarchiques).

Pour gouter ce bonheur, cette chance qui sont les notres, je vous invite à regarder des reportages sur la seconde guerre mondiale (en particulier "The War" de Ken Burns et Lynn Novick), vous verrez l’horreur et la barbarie de ces périodes de notre histoire. Regardez également, l’état économique, sociale, sanitaire, éducatif des pays régulièrement en guerre ou guerre civile (Afrique, asie du Sud-Est). Nous nous rendons peu compte de notre chance car pour nous, vivre dans un état de droit, en sécurité, avec des services publics qui fonctionnent (plus ou moins bien certes), tout cela nous semble naturel et normal. Ce n’est malheureusement pas vrai pour une grande partie de la planète.

Sachons donc remercier nos parents et grands-parents pour ce beau cadeau qu’ils nous ont laissé. Et tachons de le préserver pour le transmettre à notre tour à nos enfants.

Les grands progrès de ces 10 dernières années

Ces 10 dernières années (et même un peu avant) ont vu une évolution majeure dans notre société :
 Les préoccupations environnementales sont désormais un sujet régulier d’interrogation, d’inquiétude et d’intérêt pour toute la population et tous ses acteurs (industriel, politiques, média, public). Ce ne sont plus uniquement quelques Hippis rebelles qui parlent d’écologie et d’environnement, mais également les plus hautes instances de l’état (le N°2 du gouvernement est responsable de l’écologie). Il y a seulement 10 ans, peu de monde parlait d’écologie et de préservation de la planète.
 Le problème du changement climatique est connu et reconnu par tous (scientifiques, public, politiques, média). Algore, le GIEC, et bien d’autres ont diffusés l’information et presque plus personne n’ignore le problème aujourd’hui. Cette prise de conscience permet aujourd’hui d’envisager des actions de "correction du problème".
 Le phénomène de pic de Hubbert, la déplétion prochaine du pétrole, le risque de pénurie énergétique (pétrole, gaz, charbon, ...) sont désormais connus et discutés par tous les acteurs du secteur (industriels, politiques). Même le reste de la société (grand public, média) en parlent de plus en plus. Ce phénomène était presque totalement ignoré il y a 10 ans seulement, seules quelques spécialistes en avaient conscience. Aujourd’hui, même l’Agence Internationale de l’Energie lance un cri d’alarme (alors qu’elle niait le problème il y a seulement 2 ans).
 Le capitalisme, et surtout l’ultra-capitalisme ne font plus rêver les foules et les décideurs. Tout le monde commence à s’accorder qu’il faut “un Etat pour réguler le marché” et fixer des règles. Dans les années 1980, et surtout 90, avec la chute du communisme, le modèle ultra-libérale semblait le seul valable et possible. Après avoir vécu ses crises et abbérations (crises économiques, bulles spéculatives), le public, mais surtout les politiques et les industriels admettent qu’il faut y mettre des limites. Des hommes politiques et des industriels proposent de taxer les transactions financières (taxe Tobbin), et l’énergie (taxe Carbone). Ceci était totalement inimaginable il y a seulement 2 ou 3 ans.
 Nous voyons une implication grandissante des politiques pour protéger l’environnement. Les sommets de Rio en 1992, Kyoto en 1997 et enfin Copenhague en 2009 ont montrés une présence de plus en plus importante des décideurs politiques mondiaux, ainsi que des actions de plus en plus courageuses (même si les résultats de Copenhague sont contrastés).

Il n’y a pas de doute, ces dernières années, notre société a fait des progrès phénoménaux, mais nous avons encore du mal à le constater, étant trop près de l’évènement. Comme pour la chute du mur de Berlin en 1989, il nous faudra une décennie de recule pour en mesurer tous les impacts. Néanmoins, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir, et beaucoup de bonnes intentions restent à mettre en oeuvre : ne nous reposons pas sur nos lauriers, et remettons nous à l’ouvrage.

Inventer un nouveau rêve pour notre société

Le gros problème de notre société actuelle, est que le rêve qui habite chaque homme et femme, consciemment ou inconsciemment, est d’habiter une jolie maison (plutôt grande), avec une pelouse, des fleurs, parfois un chien, et si possible une piscine (le summum du rêve). Il faudra bien sûr y ajouter une voiture (voir plusieurs pour les membres de la famille), afin d’être libre de ses déplacements et pouvoir partir « où l’on veut » en vacance. Et aller au boulot en ville. A cela s’ajoute la joie de la consommation de plein de produits utiles, futiles, ou simplement gadgets.

Mais ce rêve merveilleux qui est né au début du XXème siècle, en Amérique d’abord, puis en Europe, impose d’énormes contraintes sur les ressources naturelles (renouvelables ou non) :
 consommation de l’espace, agricole en premier lieu, car pour construire des villas avec des pelouses il faut beaucoup plus d’espace que pour loger tout le monde dans un immeuble, même de faible hauteur.
 consommation d’énergie pour chauffer les habitations (une maison consomme au moins 2 fois plus d’énergie pour le chauffage qu’un appartement dans un immeuble, à isolation équivalente).
 consommation d’énergie pour les transports : dans les lotissements résidentiels il est impossible de faire passer des transports en commun (population trop disséminée, lignes de transport trop longue, pas assez rentable). Du coup il faut disposer de voiture et consommer beaucoup plus de carburant que pour des lignes de bus, tram, train, ...
 consommation de matériaux pour les bâtiments les routes/autoroutes très supérieure lorsque l’habitat est étalé dans l’espace, plutôt que rassemblé dans un quartier assez dense.

Or les contraintes d’un monde fini, aux ressources limités, nous empêchent de vivre « ce rêve de vie à la campagne » (petite maison individuelle dans un lotissement). Un désir de mode de vie écologique, économique en ressource nous interdit de réaliser ce rêve conscient ou inconscient que nous avons tous (moi y compris). Du coup, cela crée une frustration : nous rêvons de quelque chose “d’agréable” pour nous, mais nous nous l’interdisons car nous savons que ce ne sera pas “bon pour la planète”. Et nous restons tiraillé entre ses 2 désirs à priori contradictoire.

Il nous faut donc découvrir, créer, inventer un nouveau rêve de vie agréable, désirable qui serait à la fois bonne pour nous, pour la société et pour l’environnement. Compatible avec les ressources de la nature, et pouvant être réalisée par tous les habitants de la planète. Un rêve que nous pourrions tous réaliser (avec 6,5 milliards d’amis) !

Ce nouveau rêve que nous avons à inventer, diffuser pourra libérer l’homme son dilemme intérieur, tout en protégeant la nature d’une trop grande prédation par l’homme. Car on ne peut pas protéger efficacement la nature par des règles qui frustrent ou contrarie l’homme dans ses besoins, ses intérêts, ou ses envies. Comme dit le dicton : « on ne supprime bien que ce que l’on remplace avantageusement ».

On ne combat pas un rêve par un interdit, même avec la meilleur volonté du monde. Un rêve se remplace par un autre rêve, meilleur, plus grand, plus beau.

Remerciements

Merci à Marie qui m’a posée cette question difficile, m’obligeant ainsi à réfléchir à ce problème délicat, mais ... capital.