Sommes-nous trop nombreux sur Terre ?
Cette question difficile, sous-entend également 3 questions indirectes, bien que liées :
– la réduction de la population résoudrait-elle nos problèmes ?
– faut-il faire moins d’enfants pour aller vers moins de population ?
– va-t-il y avoir une réduction de la population dans les prochaines décennies ?
Nous allons donc essayer d’aborder successivement ces différentes questions, en regardant un peu en arrière, dans le rétroviseur de l’histoire. Car même si l’histoire n’est pas écrite par avance, il est toujours bon de tirer les leçons du passé, pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
Comment a évolué la population humaine dans l’histoire ?
Si nous regardons la courbe de l’évolution de la population depuis les 12.000 dernières années, nous voyons qu’elle se divise en gros en deux parties :
Evolution démographique depuis le Néolithique (découverte de l’agriculture). Source Musée de l’Homme. Tiré du cours de JM Jancovici à l’ENSMP mai 2008, www.manicore.com.
Durant près de 12.000 ans (jusqu’au XIX ème siècle), la population croit lentement, et elle est multipliée par 100 dans l’intervalle de temps (soit en gros un doublement de la population mondiale tous les 1700 ans). Mais au cours du XIX ème siècle, se produit un changement radicale et la population mondiale va passer d’un demi-milliard d’individus à 6,5 milliards en moins de 200 ans (soit un doublement de la population tous les 55 ans). Ce changement est prodigieux, inégalé dans l’histoire de l’humanité. Il est dû à différents paramètres comme l’amélioration de la production agricole, une meilleur hygiène, les progrès de la médecine qui ont réduit la mortalité (surtout celle des enfants), causée de tout temps par la famine, la maladie, les épidémies et la guerre.
De tout temps (et aujourd’hui encore), le facteur régulateur de la population mondiale a été le trio famine-épidémie-guerre. Car dans des civilisations où les familles avaient fréquemment 5, 10, voir parfois 15 enfants par couple, la population mondiale aurait dû plus que doubler à chaque génération (en moins de 20 ans). Ce qui n’était pas le cas avant la révolution industrielle, car la mortalité été très forte dans la population, et l’espérance de vie faible (un peu plus de 20 ans en France pour en enfant qui naissait en ville en 1800 et un peu moins de 30 ans pour un enfant qui naissait à la campagne). Du coup, la population avait du mal à croitre car peut d’enfants atteignaient l’age adulte et pouvaient à leur tour avoir une descendance. Si aujourd’hui il y a des enfants, des hommes, des femmes qui souffrent de la faim et de la maladie dans le monde, ce n’est pas nouveau, c’était la même chose il y a plusieurs siècles, et millénaires.
Cependant, le fait qu’il y ait eu dans le passé des famines, ne nous exonère pas de notre responsabilité dans le partage des ressources (alimentaire et autres), car plus nous sommes nombreux, plus il faut partager en petites parts les ressources naturelles de la planètes (qui elles n’augmentent pas, voir diminuent avec le temps pour les ressources non renouvelable. Donc être moins nombreux sur Terre ne garantirait pas l’arrêt des famines et maladies : il y en avait déjà avant, lorsque la population mondiale était 10 ou 100 fois moins nombreuses. C’est la répartition des ressources aujourd’hui plus qu’hier, qui est en la cause.
Sommes-nous trop nombreux ?
Toute activité humaine a pour effet de consommer des ressources naturelles (poisson, gibier, production agricole, bois, minerais, ...) renouvelables ou non, et de créer de la pollution, que l’on pourrait définir comme des produits que l’on ne veut pas créer à la base mais dont on est obligé de rejeter dans la nature du fait de notre activité (CO2, déchets industriels, eaux usées, ...). Plus les hommes sont nombreux, plus ils polluent car il faut nourrir, vêtir et loger les hommes supplémentaires. Donc mathématiquement, plus il y a d’hommes et de femmes sur Terre, plus la pression sur l’environnement (ressources naturelles consommées et pollution) est forte. Mais si les hommes divisent par 2 leur pollution et leur consommation, ils pourraient être 2 fois plus nombreux sur Terre sans polluer ni consommer plus !
Toute la question est donc de savoir quel mode de vie nous voulons avoir et promouvoir pour la planète, et donc, en fonction de ce mode de vie, nous pouvons définir l’impact de chaque être humain sur la planète, et ainsi, la population maximale sur Terre (pour que tout cela soit durable !). C’est seulement à partir de ce moment que nous pourrons répondre à la question : sommes-nous trop nombreux sur Terre ?
– Si nous voulons vivre comme des Indiens d’aujourd’hui, alors nous ne sommes pas trop nombreux (mais il ne faut pas augmenter la population mondiale),
– si nous voulons vivre comme des européens, alors nous sommes 4 fois trop nombreux,
– si nous voulons vivre comme des américains, alors nous sommes 7 fois trop nombreux,
– si nous voulons vivre comme des habitants du bengladesh, alors la population mondiale peu encore augmenter (beaucoup).
La réduction de la population résoudrait-elle nos problèmes ?
Sur un plan purement mathématique, compte tenu de l’épuisement des ressources naturelles, de la pollution (changement climatique mais pas uniquement), il est claire que pour diviser par 2 notre pollution (par exemple le CO2), nous pourrions envisager une division par 2 de la population mondiale. C’est mathématiquement imparable ! . C’est la technique Pol-Pot (célèbre dirigeant Khmer rouge qui a génocidé 40% de sa population dans des camps de rééducation communistes). Mais nous pourrions également parler de technique Staline (10 millions de morts dans les purges des années 30, par la famine et les goulags), ou Mao (20 millions de morts durant la révolution culturelle), ou encore le régime de la terreur en France lors de la révolution. Bref, les exemples historique ne manquent pas dans l’histoire de “gentils dictateurs”, qui pour “le bien du peuple”, en ont exterminés une bonne partie.
Mais n’oublions pas que dans le monde, aujourd’hui, 20% de la population mondiale consomme (et pollue) 80 % des ressources de la planète. Donc, nous pouvons très facilement prévoir une division par 5 de la pollution en ne génocidant que 20% de la population (une broutille quoi !). Pas de chance ! C’est nous : l’Europe et l’Amérique du Nord (plus quelques pays développés. Je doute donc fort que cette méthode acquière dans nos pays un grand succès. Et inversement, l’extermination des pauvres (en dehors de toutes considérations morales), ne résoudrait que 20% des problèmes, pour une baisse de 80% de la population mondiale.
Reste une solution à étudier : faire moins d’enfants pour réguler "naturellement", et sur un délai plus long la population mondiales
Faut-il faire moins d’enfants pour aller vers moins de population
Une réduction naturelle de la population humaine, en douceur, sans guerre, sans famille ni épidémie semblerait la solution idéale.
Or l’amélioration du niveau d’éducation dans une société entraine, par une mécanique complexe, une baisse de la natalité et du nombre d’enfant par famille. Cette baisse a été observée en Occident depuis plus d’un siècle, et dans de nombreux autres pays depuis quelques décennies. Cela pourrait être la solution idéale ! Cependant, ce mouvement n’est pas assez rapide pour entrainer une stabilisation rapide de la population mondiale (voir une baisse). C’est pourquoi nous pourrions nous interroger sur le bien fondé d’une politique volontariste de limitation des naissances afin de réduire “naturellement” la population humaine.
Cette technique n’est pas sans problèmes moraux et risques de fortes dérives (avortements forcés, contraception obligatoire, stérilisation forcée d’une partie “récalcitrante” de la population, ...). Nous le voyons en Inde et en Chine où ces politiques ont été mises en oeuvre. Mais d’autres conséquences imprévues sont également possible (eugénisme, avortement préférentiel des filles, déficit de femmes dans la population, ...) tout cela crée des tentions dans la population (difficulté pour les garçons de se marier par le manque de femmes) et des dangers pour la société. Et puis il y a le problème du vieillissement de la population, les personnes âgées ou retraitées deviennent avec le temps, plus nombreuses que les jeunes qui doivent les prendre en charge (déficit des caisses de retraites, problème de solitude, cout des soins médicaux pour la famille, ...). Ce problème n’est qu’effleuré aujourd’hui en France, mais va éclater vraiment en Chine dans 30 ans (voir la pyramide des ages). La politique de l’enfant unique, aussi attrayante soit-elle, entraine de lourdes conséquences, morales, humaines et sociales. Cette méthode, si elle devait être envisagée, demanderait une étude et un débat approfondi dans la société pour informer sur toutes les conséquences possibles.
D’un autre coté, si nous considérons que la situation mondiale risque de se dégrader (risque de tentions internationales liées à la pénurie d’énergie, guerres, ...), alors, pour un pays, pour des dirigeants, il peut être plus avantageux de promouvoir une natalité forte, afin d’avoir une population nombreuse, et donc une armée importante pour se défendre, voir attaquer ses voisins (et acquérir leurs ressources vitales). Cela a été la politique de l’Allemagne Nazie dans les années 30.
Pour tout croyant, la vie, et encore plus l’enfant à naitre, est un don de Dieu. Il devient donc difficile de “limiter ce don” voir rejeter ce don “en tuant” cet enfant, en lui refusant son droit à naitre. Lorsque l’on voit aujourd’hui, dans notre société laïque, le débat autour du droit à la procréation (le droit à avoir un enfant à soi), pour des couples ou des individus qui ne peuvent pas en avoir (par des procédés naturels), je ne peux que me dire qu’il sera très difficile dans notre société, d’expliquer que même les couples qui peuvent en avoir, devront se passer de ce “droit”.
Enfin, dans une société (et même sur toute la planète) qui voit une espérance de vie de plus de 60 ans, toute mise en oeuvre même énergique de cette politique ne verrait ses fruits (baisse de la population) qu’après plus d’un siècle. La Chine voit toujours sa population augmenter, malgré 30 ans de politique sévère de "l’enfant unique". Or c’est maintenant, au cours de ce siècle que vont arriver les tensions, les difficultés. Il est donc trop tard pour espérer une solution efficace avec cette méthode.
Va-t-il y avoir une réduction de la population dans les prochaines décennies ?
Face aux menaces et difficultés à venir, au cours de ce siècle (pénurie énergétique, changement climatique, épuisement des ressources, ...) nous pouvons légitiment craindre que la courbe de la population mondiale cesse sa croissance fulgurante, pour se stabiliser, voir chuter.
C’est la conclusion de l’étude de certains chercheurs qui ont mis en corrélation plusieurs indicateurs de nos sociétés (consommation d’énergie et croissance démographique), et arrivent à la conclusion que la population mondiale va baisser de façon importante au cours de ce siècle, d’ici quelques décennies.
Prévision de l’évolution de la population mondiale par Paul Chefurka. Article publié sur le site Oil drum (en anglais) ainsi que sur le site de l’auteur (en anglais également).
En effet, depuis la révolution industrielle, la population a augmenté en même temps que la consommation énergétique par individu, mais en même temps, elle est devenue très dépendante de cette énergie bon marché. Nous avons besoin d’énergie pour faire fonctionner notre industrie, nos services médicaux, notre agriculture, pour transporter les produits, les malades, les services de secours, etc ...
Sans pétrole l’économie s’arrête, les gens ne peuvent plus aller travailler. Sans électricité, les entreprises ne fonctionnent plus (plus de frigo, plus d’ordinateur, plus de pompes, ...). Regardez ce qui se passe lors d’un blocage des dépôts pétroliers, ou d’une grosse coupure EDF !
Ainsi, ces chercheurs prévoient une réduction de la production agricole et industrielle, et donc de la population mondiale capable de se nourrir et de subvenir à ses besoins vitaux. Nous ne pouvons pas dire quelle société cela donnera en réalité, (et combien d’habitants vivant sur Terre), mais en se basant sur le passé, sur les modes de sociétés des siècles passé et de leur consommation d’énergie, alors ils peuvent estimer une population moyenne mondiale viable. Ces calculs prédictifs ne tiennent pas compte des éventuelles perturbations à grande échelle que pourrait connaitre la planète compte tenu de ces changements majeurs (épidémies, guerres, ...), ni bien sûr des solutions astucieuses (et d’un meilleur partage mondiale) qui pourraient être mise en oeuvre, et améliorer la situation !
Ces même calculs et ces mêmes prévisions avaient déjà été faites en 1970 par le Club de Rome dans son livre "les limites de la Croissance".
Evolution des principales variables étudiées de 1900 à 2100 avec des ressources naturelles équivalentes aux ressources connues en 1970. La perpétuation de la "croissance" conduit à un effondrement du niveau de vie (quota alimentaire par tête et produit industriel par tête) au début du XXI ème siècle, avec retour en 2100 à des valeurs bien plus basses que celles en vigueur en 1900.
Voir le résumé de leurs travaux
Avec une modélisation mathématique très simple (les ordinateurs étaient peu puissant à l’époque), ils arrivaient à la conclusion que, quelque soit le niveau des ressources naturelles, quelque soit le niveau de limitation de la pollution, même avec un contrôle de la natalité fort, une société qui cherche à consommer toujours plus par habitant, ne peut aller que vers un effondrement de sa population au cours du XXI ème siècle. C’est à dire dans quelques années, décennies.
Or aujourd’hui, les faits semble donner raison à ces craintes. Plusieurs pays pauvres ont connus des émeutes de la faim, le pic de pétrole est annoncé par dans quelques années, la crise économique s’installe, des épidémies pointent leur nez ...
Dans le passé, y-a-t-il eu des baisses rapides et importante de population ?
Regardons un peu dans le rétroviseur de l’histoire pour voir si un tel séisme (division par 2 ou 3 de la population) serait une première. Le premier graphique montrant une courbe régulière et relativement constante de la population du néolithique au XIX ème siècle ne semble pas cacher de grandes catastrophes. Elles ont pourtant été nombreuses et très diverses :
– effondrement de l’empire romain et arrivée des barbares en Europe au V ème siècle : la population des cités et campagnes romaines s’effondre dans tout l’empire (par exemple la population de la ville de Nice est divisée par 10)
– la grande épidémie de peste noire en Europe au XIX ème siècle : toute la population de l’Europe est divisée par 4 en quelques années
– effondrement et chute de l’empire Maya au Mexique (X ème siècle ?) : la population est très fortement réduite. La cause semble la famine et la guerre.
– invasion et colonisation de l’Amérique par les Espagnols puis les Européens : la population indigène est divisée par 4 à 10.
– campagne de Russie par Napoléon en 1814 : 1 million de morts en un seul hiver (tous de jeunes hommes français de 20 ans). 1/3 sont morts du typhus, le reste de froid et de faim, très peu au combat.
– début XX ème siècle : 9 millions de morts en 14-18, un peu plus par la grippe espagnole. 60 millions de morts en 39-45. Les purges communistes en URSS, Chine et autres ayant fait également des dizaines de millions de morts.
Tous ces évènements dramatiques, ayant touché une population considérable, mais n’affecte en rien les courbes des population qui se "régénère" en quelques années ou décennies. C’est cela le plus surprenant. Mais cela montre également que, en quelques années, la population mondiale peu baisser significativement et de façon très rapide.
De tout temps, le trio guerre, épidémie, famine travaillent ensemble pour faucher la population. Car lorsqu’il y a pénurie, il y a des tensions, qui provoquent la guerre, puis la déstabilisation des systèmes de santé, puis la famine. Tout cela jusqu’au retour de la paix qui permet de stopper les épidémies et la famine.
Conclusion
Les menaces qui pèsent sur nous et nos enfants sont terribles et semblent insurmontable. Alors, que faut-il faire ?
Que faut-il en conclure ? Que tout est foutu, qu’il n’y a plus rien à faire que de se suicider (collectivement) ? Que nos enfants vont avoir un monde horrible ?
Refuser la naissance d’enfant sous prétexte que la situation sera trop difficile, ne revient-il pas à juger ces mêmes enfants (à naitre) incompétents à résoudre les problèmes qui nous font obstacle aujourd’hui ? Ne seraient-ils pas capables de réussir là où nous avons échoué ? Notre soucis de protection nous pousse-t-il à leur refuser le droit à la vie ? Soucis pour leur vie à eux, ou notre vieillesse à nous ?
Nous avons un défit important à relever, des obstacles à franchir, des solutions à trouver et mettre en oeuvre. Je ne doute pas que sous notre élan et notre impulsion, nos enfants trouveront les solutions qui nous font aujourd’hui défaut, et réussiront là où nous ne sommes qu’en chantier. Alors retroussons nos manches et en avant ! Les chantiers ne manquent pas :
– développer les énergies renouvelables
– réduire notre consommation énergétique
– mieux répartir les ressources naturelles dans le monde
– lutter contre la pollution
– lutter pour contenir les grandes épidémies (grippe aviaire, sida, pneumonie, ...)
– etc...