Scénarios sur la taxe carbone pour gérer l’évolution de la consommation énergétique Complexité pour établir des scénarios économiques pour respecter le protocol de Kyoto

, par Gilbert Fernandes

Article extrait du rapport "Que penser de l’épuisement des réserves pétrolières et de l’évolution du prix du brut ?" par l’Académie des Technologies (http://www.academie-technologies.fr/publication/rapports/petrole_accueil.html) Page 22.

Pour les deux ou trois décennies à venir, les scénarios des organismes officiels (tout au moins si
l’on retient les scénarios de référence ou « business as usual ») prévoient une poursuite de la
croissance de la demande pétrolière, de 1,3 % par an pour l’AIE (2006b), de 1,5 % par an d’ici 2030
pour la Commission Européenne (2007), de 1 à 1,9 % par an suivant les scénarios pour Shell
(2005). Remarquons que la plupart de ces organismes ont revu à la baisse leurs estimations par
rapport à celles des années précédentes en raison de la hausse des prix et d’une probabilité
considérée comme faible de baisse importante de ces prix à l’avenir. Le taux de croissance prévu
par l’EIA (2006) est ainsi passé de 1,9 % par an à 1,1 % par an entre le scénario de l’Annual Energy
Oulook 2004 et celui de 2007.

Ces scénarios posent deux problèmes. Le premier est celui de la disponibilité des ressources. Nous
avons vu les différents points de vue en présence et nous y reviendrons au cours du paragraphe
suivant. Le deuxième est celui des émissions de gaz à effet de serre qui augmentent en gros
proportionnellement aux consommations d’énergie fossile. Ainsi, le scénario de référence de l’AIE
(2006b) conduisant à des émissions de gaz carbonique considérées comme inacceptables,
l’Agence préconise des politiques plus volontaristes, donnant lieu à un scénario « alternatif »
permettant de limiter la demande pétrolière à 103 Mb/j en 2030 au lieu de 116. Pour aller au delà, il
convient d’accélérer le développement des technologies appropriées, ce qui est possible comme le
montrent les scénarios à 2050 « Accelerated Technologies » (AIE 2006a) qui permettraient de
réduire de 56% la croissance des consommations pétrolières par rapport au scénario de base en
2050. Ces scénarios conduiraient à des émissions de l’ensemble du secteur énergie en croissance
par rapport à celles de 2003 de 6 à 27 % contre +137 % dans le scénario de référence. Le plus
favorable, Tech Plus, permettrait de les diminuer de 16%.

De façon semblable, le scénario « Carbon constraint » de la Commission européenne est un
scénario « facteur 2 » (division par deux des émissions) pour l’Union Européenne. Au niveau
mondial, il fait apparaître des émissions de 25% supérieures à celles de 1990. Il s’appuie sur une
hypothèse de croissance du prix de la tonne de C02, croissance linéaire pour les pays
industrialisés, plus tardive pour les pays en développement, le prix atteignant 200 euros par tonne en 2050. Il conduit à une réduction, par rapport au scénario de référence, de 20 % environ des
consommations pétrolières à l’horizon 2050, à un peu plus d’une centaine de Mb/j après le passage
par un maximum très aplati vers 2040.

Ces valeurs sont cependant encore très éloignées de celles des objectifs affichés par l’Union
Européenne et par un certain nombre de pays dont la France, objectifs de diviser par deux les
émissions mondiales et donc par 4 celles des pays industrialisés. Ils imposeraient des
changements de comportement beaucoup plus importants et impliqueraient un coût de la tonne de
CO2 de plusieurs centaines d’euros (cf. par exemple ENERDATA (2005)).

La nécessité de politiques volontaristes avait également été mise en lumière par le Conseil Mondial
de l’Energie (2003). Il a imaginé deux « histoires » de la première moitié du XXIe siècle. L’une
d’elles est caractérisée par un manque de vision à long terme des différents acteurs qui prennent
des décisions, en particulier des décisions d’investissement, en privilégiant des considérations de
marché à court terme. Les inerties résultantes rendent plus difficiles les évolutions nécessaires.
Le défaut de coordination internationale et une incapacité à mener les actions indispensables en
temps voulu conduit à « la menace d’un monde invivable ». L’élévation des températures conduit à
des sècheresses, des famines, un développement des maladies tropicales à des latitudes élevées.
Dans la deuxième histoire, « l’espoir d’un monde vivable » apparaît à la suite de deux ou trois
décennies de détérioration de notre environnement, après que des politiques de développement
durable aient été mises en oeuvre et que les changements de comportement indispensables aient
été obtenus.

P.-S.

Ce rapport établit en Mars 2007, devrait certainement voir une partie de ses conclusions légèrement revues du fait de la crise économique (fin 2008), et de la baisse de la consommation. Mais les grandes lignes demeurent vrai, et les efforts à fournir énorme si nous voulons que nous enfants bénéficient d’un monde "vivable".