Pic de pétrole, ou pic des exportations de pétrole ? Avant le pric de production mondiale, nous aurons le pic d’exporations mondiales

, par Gilbert Fernandes

Le pic des exportations de pétrole : nous y voilà !

La France importe 98% de son pétrole, et nous pourrions même dire, de son énergie (à part l’énergie hydraulique, la quasi totalité du pétrole, gaz, charbon et uranium sont importés).
Il en est de même pour tous les autres pays européens, sauf pour :
 la Norvège qui exporte encore une bonne part de pétrole
 la Grande-Bretagne qui produit la majorité de son pétrole, mais doit en importer tout de même une partie
 les Pays-Bas et le Danemark qui produisent (encore pour quelques années) un petit excédent de gaz naturel qu’ils revendent à leurs voisins.
Globalement l’Europe (UE) reste totalement dépendant des importations de pétrole et de gaz naturel (Russie, Moyen-Orient, ...)

Mais pour importer des produits de ces pays, encore faut il que ceux-ci en exportent ! c’est à dire que leur production dépasse leur consommation interne. L’histoire nous a montré que des exportateurs de pétrole, suite à la croissance constante de leur consommation interne, conjuguée à une baisse ou simplement à une stagnation de leur production, sont devenus ... importateurs. C’est le cas de la Grande-Bretagne en Europe.
C’est également le cas de différents pays à travers le monde. Comme l’Égypte, ou l’Indonésie (qui est sortie du groupe de l’OPEP en 2007)

Egypte : production et exportation de pétrole
Indonésie : production et exportation de pétrole

Exportations net en jaune, production en vert (en milliers de barils par jour). La différence entre les deux correspond à la consommation interne de pétrole.. Voir le site Manicore

Sur ce graphique qui se poursuit jusqu’en 2008, nous voyons clairement que le solde d’exportation devient négatif pour l’Égypte en 2006

exportations de pétrole pour l’Egypte

Déclin de la production de 3,3% par an de 1996 à 2006, et chute des exportations de 29 % par an sur la même période. Voir le site TheOilDrum

Ces exemples ne sont pas les seuls. Nous avons toute une série de pays producteurs qui ont subit la même évolution (Albanie, Bénin, Bolivie, Birmanie, Chine, Indonésie, Papouasie Nouvelle-Guinée, Pérou, Grande-Bretagne, Ouzbékistan)

Payse exportateurs de pétrole devenus importateurs

Voir le site TheOilDrum

Mais qu’en est-il globalement ? au niveau mondiale ? les autres pays réussissent-il à compenser cette baisse d’une partie de leurs membres :

Exportations net de pétrole par pays de 980 à 1009

Exportations net de pétrole de 1980 à 2009 par groupe de pays. Voir le site TheOilDrum

Nous voyons clairement que depuis 2005, les volumes de pétrole exportés dans le monde diminuent, ce qui explique la flambée des cours du pétroles de 2005 à 2008. 2008 et surtout 2009 marqués par la crise économique mondiale refluent surtout par la chute de la demande. Jusqu’en Juillet 2008, les pays importateur, ayant du mal à trouver du pétrole (pétrole disponible à la vente par les producteurs) font monter les prix ... jusqu’à la crise qui ruine une partie des acheteurs (clients finaux au chômage par exemple), causant une baisse des commandes, et donc des prix de vente.
Nous voyons que sur ce graphiques, certains groupes de pays exportent de moins en moins, et depuis longtemps :
 Chine et Inde depuis plus de 20 ans (ils sont importateur net)
 les pays de l’OCDE (pays riches) voient globalement leurs exportations (enfin les exportations des pays qui arrivent encore à exporter, car globalement ces pays sont des importateurs) diminuer depuis 2003.
 les pays "du reste du monde", en gros depuis 1998
 et plus grave, les pays de l’OPEP, en gros depuis 2005 (d’où la baisse mondiale des exportations).
Nous voyons donc que même si les pays de l’ex URSS sont en progression constante, ils ne compensent déjà plus les baisses d’exportations des autres pays.

Moi d’abord !

La politique d’un pays producteur de pétrole est assez logiquement la politique du "moi d’abord". Il va d’abord chercher à satisfaire les besoins de sa propre populations, avant de vendre à l’exportation ses surplus. C’est ce que vient de déclarer publiquement il y a quelques mois le président de la Russie concernant le blé : la production de blé russe (4° producteur mondial et parmi les premiers exportateurs mondiaux), ne sera pas exportée et conservée en totalité dans le pays pour éviter une hausse des cours du blé pour ses propres habitants : tant pis pour les clients habituels qui devront se débrouiller autrement !
Cette décision, somme toute logique pour les russe, peu se trouver être dramatique pour ses clients importateurs qui se retrouvent affamés du jour au lendemain, si un autre pays ne vient pas à leur rescousse.

Consommation de pétrole par les pays de l’OPEP de 1997 à 2009

Consommation domestique de pétrole par les pays de l’OPEP de 1997 à 2009. Voir le site TheOilDrum

C’est exactement se qui se produit pour le pétrole, où les pays producteurs n’exportent que leur excédent, conservant pour eux "leur besoin vital". Or la consommation interne augmente d’année en année, alors que la production stagne, voir décroit. Du coup les exportations diminuent beaucoup plus vite que la production totale.
C’est ce que nous avons vu dans différents cas au chapitre précédent.

Il est à noter que l’Arabie-Saoudite, plus gros producteur et exportateur mondial de pétrole a déclaré il y a quelques mois qu’elle allait suspendre toutes les actions de prospection de nouveaux champs pétroliers afin de les conserver en réserve pour sa propre population dans les années à venir.(voir l’article sur le site economiedurable). Cela laisse songeur ! surtout quand on sait qu’une bonne partie de ses champs de pétrole sont en phase de déplétion (baisse de production chaque année du fait de leur épuisement).

Quel avenir pour le prix du pétrole ?

Ce qui est à craindre, c’est que la flambée du cours du baril que nous avons connus en juillet 2008 (plus de 140$ le baril) ne se reproduise maintenant très régulièrement. Provoquant alors des crises économiques en série (les crises économiques servant alors de régulateur à la consommation débridée de pétrole). C’est le scénario redouté par de nombreuses personnes comme JM Jancovici :

Voir le site Manicore

Étant dans un pays massivement importateur, nous ne pouvons que redouter ce phénomène car nous serons aux premières loges, sans pouvoir disposer de l’outil d’un pétrole artificiellement détaxé ou "réservé pour nous", car nous ne le produisons pas (le pétrole coute toujours 5 à 10 $ le baril à produire au moyen-orient, même lorsqu’il est vendu 140$, il pourrait donc être vendu moins cher en local, qu’à l’exportation).

En revanche, étant en première ligne, nous serons aussi les premiers à effectuer la transition vers une économie plus "viable" ou "durable", car ... nous y serons bien obligé ! Cette transition est peut-être déjà en cours, car nous pouvons observer que les volumes de pétrole consommés dans les pays de l’OCDE diminuent progressivement depuis 2005 (légère baisse même avant la crise de 2008). Nous pouvons souhaiter que cette évolution se poursuive, et surtout qu’elle soit plus motivée par un changement de mode de vie que la conséquence de crises économiques et de hausses de prix à répétition.

A nous donc d’agir localement pour réduire notre consommation énergétique (personnelle, et de notre entreprise, famille, ...) afin :
 de réduire nos propres dépenses (pour éviter les problèmes de fin de mois)
 agir sur la baisse des importations d’énergie de notre pays (qui joue sur le prix de vente mondiale du pétrole).

Si chacun ajoute sa petite goutte d’eau nous pourrons remplir l’océan !

Nulle doute que les 10 années à venir vont être très instructives et révélatrice du tournant historique que notre société est en train de vivre. La notion de pic de pétrole et/ou de pic des exportations ne pouvant se juger qu’avec un minimum de recule, de nombreux experts prévoient que des choses très intéressantes vont de passer dans ces prochaines années. A nous d’agir pour éviter la glissade ... et la sortie de route.