La régulation électrique et les énergies renouvellables Problème de la régulation du réseau électrique, et impacte de l’éolien sur le réseau électrique
Certains écologistes prônent le développement des énergies renouvelables (éolien, solaire) pour "sortir du nucléaire", et polluer moins. Est-ce possible ? Est-ce réaliste techniquement, quantitativement ? Pourquoi a-t-on aujourd’hui de plus en plus d’alertes électriques concernant les pics de consommation électrique ? le développement massif de l’éolien et du photovoltaïque ne pourraient-il pas répondre à cette problématique ?
Les données chiffrées présentées dans cet article sont issues du site de rte-france.
La difficulté de la production électrique
La grosse difficulté de la production électrique à petite, comme à grande échelle, c’est qu’elle doit impérativement s’adapter à la consommation. C’est à dire que l’on doit, à tout instant produire exactement autant de courant qu’il est est consommé dans le réseau. C’est vrai au niveau national (ou européen), c’est également au niveau de micro réseaux (comme un groupe électrogène alimentant une pompe). Si vous produisez moins de courant que vos clients n’en consomment (par exemple vous branchez 2 ou 3 perceuses sur un petit groupe électrogène), la tension électrique chute, et vos appareils fonctionnent mal, voir sont endommagés : au lieu d’avoir du 220V, vous avez à votre prise du 210V, voir du 200V, ou moins. Inversement, si vous produisez plus que vos clients ne consomment, la tension monte et vous risquez de grillez vos appareils électrique car vous avez une tension d’alimentation de 240V, voir 250V, 260 ou plus.
La régulation de la tension électrique dans le réseau au volt près (toujours du 220V est presque impossible. C’est pourquoi EdF s’offre une plage "normale" de variation en garantissant une tension entre 230V et 240 V environ. Parfois la tension peut descendre un peu en dessous, mais pas trop. Cela veut dire que pour les salariés d’EdF (ERdF aujourd’hui), il y a des équipes partout en France, prêtent à tout moment pour démarrer et arrêter des centrales électrique à tout moment en fonction de la consommation électrique. C’est donc tout un art de savoir, quand et ou démarrer un centrale, laquelle (barrage, centrale au gaz, fioul, nucléaire ...) afin que la production soit partout la bonne, en tout temps, et quel que soit la météo, et les incident (problème sur une centrale en fonctionnement, ...).
Cette contrainte d’équilibre au niveau national, se pose également au niveau local, car les centres de productions et de consommation sont reliés entre eux par des lignes haute tension qui permettent de distribuer le courant au client, mais également de répartir les surplus locaux d’une zone géographique à une autre. Cela se fait avec des limites, des contraintes techniques : la limite de capacité de chaque ligne électrique. Il est en effet impossible de répondre à une grosse demande électrique dans le nord de la France en démarrant des centrales dans le sud si les lignes électriques entre les deux ne sont pas assez puissantes pour transférer toute l’énergie. Il faut donc produire et consommer au plus "local" possible, tout en favorisant les échanges entre régions et pays (d’où l’importance des lignes THT (très hautes tension) entre pays et régions).
Les outils de production
Pour produire de l’électricité, il faut des centrales électriques. Elles sont de différents types :
– les centrales hydro-électriques, fonctionnant à partir de barrages hydrauliques : barrages de montage faisant varier leur production d’heure en heure en fonction de la demande, ou barrages sur de grandes rivières (Rhône, Seine, Rhin, ...) produisant la même quantité de courant tout au long de l’année. La puissance d’un barrage dépend de son débit d’eau et de la hauteur de la chute (de quelques dizaines de MW/h à plusieurs milliers pour les plus grosses. En France, la production hydro-électrique est d’environ 11% de la production totale ( 16% pour l’ensemble de la planète)
– les centrales thermiques au charbon : en brûlant du charbon on produit de la chaleur qui fait tourner une turbine reliée à un alternateur produisant de l’électricité. La puissance d’une centrale au charbon est d’environ 1.000 MW/h. En France, ces centrales représentent environ 10% de la production (40% pour l’ensemble de la planète).
– les centrales au gaz : idem que pour les centrales au charbon, la chaleur produite sert à fabriquer de la vapeur qui fera tourner une turbine pour produire du courant. La puissance moyenne est la même que pour une centrale au charbon. Ces centrales représentent quelques % de la production française (et 20% de la production mondiale)
– les centrales au fioul (pétrole) : idem que pour les centrales au charbon, la chaleur produite sert à fabriquer de la vapeur qui fera tourner une turbine pour produire du courant. La puissance moyenne est la même que pour une centrale au charbon. Ces centrales représentent quelques % de la production française (et 6 % de la production mondiale)
– les centrales nucléaire : la chaleur de la réaction thermonucléaire sert à produire de la vapeur, qui comme pour les centrales au charbon, fait tourner une turbine qui produira du courant électrique. La puissance moyenne d’une telle centrale est équivalente à celle d’une centrale thermique (1.000 MW/h). La production française est d’environ 75% (et 15 % de la production mondiale).
– les éoliennes : le vent fait tourner des pales qui entrainent directement l’alternateur produisant le courant. La puissance d’une éolienne varie de quelques MW/h à une cinqentaine de MW/h pour les plus grandes (plus de 100m de haut), mais uniquement si le vent souffle très fort ! La production française est de l’ordre de 1 à 2 % (comme dans le reste du monde).
– les autres énergies "renouvelables", photo-voltaïque, hydrauliennes (hélices sous la mer), centrales marées motrices, etc... . Tout cela cumulé ne donne que quelques dixièmes, voir centièmes de % de la production française (ou mondiale).
Variations de consommation
D’une journée à l’autre, la consommation électrique, et donc la production électrique peut changer fortement. Prenons un exemple à 15 jours d’intervalle en cette fin d’année 2010.


Production électrique du Samedi 20 nov 2010 et du jeudi 2 dec 2010
Nous voyons clairement une grosse différence de consommation entre ces 2 jours car le samedi, la consommation tourne en gros entre 65.000 et 70.000 MW/h (soit la puissance de 65 à 70 réacteurs nucléaires) pour le samedi 20 nov, et 85.000 à 90.000 MW/h pour le jeudi 2 dec qui a connu un pic de consommation (mais le record a été battus les jours suivants). Nous voyons que d’un jour sur l’autre la consommation peut varier en gros de près de 30%.
Lorsque la consommation est basse, il y a même un excédent de production (environ 5 MW/h) qui est exporté vers nos voisins. Par contre, lors de fortes consommation, la production française est insuffisante (même avec l’aide de centrales électrique d’appoint : Fioul + pointe), et il faut importer de l’électricité de nos voisins pour ne pas "tomber en panne".
De même, entre les jours de basse et forte consommation, la production des différentes centrales va varier :
– les centrales nucléaires vont produire plus ( 55.000 MW/h contre 50.000MW/h soit 10% de plus)
– les centrales "Autres", gaz et charbon vont également accroitre leurs production ( 13-14.000 MW/h contre 10.000 MW/h soit 30 à 40% d’augmentation)
– des centrales spéciales (normalement à l’arrêt), fonctionnant au fioul, ou gaz, sont démarrées les jours de grand froid pour produire 3 à 4.000MW/h afin de répondre à la demande.
– mais surtout ce sont nos voisins, avec leurs centrales électriques qui sont sollicités car au lieu de leur vendre 5 à 7.000 MW/h, nous allons leur acheter 5.000MW/h (soit un volume cumulé import-export de 12.000MW/h).
Tous ces efforts permettent de boucler le bilan de la production qui doit impérativement être égale à celui de la consommation, faut de quoi, il faudra "réduire la consommation" en effectuant des délestage, ce qui correspond à couper le courant à des quartier ou des régions entière pour "réduire la consommation électrique globale".
Equilibrage de la production au sein d’une journée
Nous voyons également qu’au sein d’une journée, la consommation va varier fortement, surtout les jours de forte consommation (pic de consommation de 17 à 20h30, mais aussi fort plateau de 7h30 à 13h30).
Comment se fait la régulation de production durant cette période ? quelles sont les outils pour réguler ?
Nous voyons que la productions par les centrales nucléaires, gaz, charbon ou "Autres" (probablement les barrages hydro-électriques au file de l’eau qui ne varient jamais, même d’un jour de faible consommation à un jour de forte consommation) ne varient que peut lors de la journée. Ces centrales produisent à régime constant pour répondre au gros de la demande. Le gros des variations est fait par l’hydraulique (barrages de montagne que l’on ouvre ou ferme), et par l’importation de courant étranger, ou pour l’exportation. Ce sont donc les barrages de montagnes qui permettent au fil des heures de réguler la production, les centrales thermiques ayant un temps de réponse trop long pour s’ajuster, elles ne peuvent que s’adapter à des fluctuations de la demandes sur des échelles de plusieurs heures (le temps de faire monter ou baisser la vapeur dans la centrale). Pour les jours de forte demande (le 2 dec), il y a en plus des centrales d’appoint au fioul qui vont produire ponctuellement les complément de puissance que ne peuvent fournir les barrages)
Mais à l’étranger, comment font nos partenaires (espagnoles, italiens, suisses, allemands, ...) pour s’adapter à notre demande de production (en plus de la leur !). Et bien ils font pareil ! ils font jouer leurs barrages et démarrent ou arrêtent leurs centrales de pointe. C’est ainsi que la Suisse, placée idéalement au coeur de l’Europe, avec beaucoup de montagnes et de barrages, est devenue le champion de la régulation électrique de toute l’Europe en ouvrant et fermant ses vannes en fonction du besoin (et de ses capacités). Pour pouvoir répondre aux demandes toujours plus forte, une nouvelle technique a été développée : les Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP), ce sont 2 barrages l’un au dessus de l’autre. L’eau du barrage le plus haut est utilisé pour produire de l’électricité et remplir le barrage inférieur. Lorsque la demande électrique est faible et que la production (par des centrales que l’on n’arrête pas, comme les centrales nucléaire, au charbon, gaz, ...) est forte, alors, le surplus électrique est utilisé pour pomper l’eau du barrage inférieur et reremplir le barrage supérieur. Cela permet de refaire des réserves électriques en vue d’un prochain pic électrique, dans quelques heures. Il existe un douzaine d’installations de ce type en France, et de nombreuses autres à l’étranger. Les Suisses sont les champion de cette technique qui consomme plus de courant électrique qu’elle n’en produit (par les pertes énergétiques lors du pompage), mais qui rapporte beaucoup d’argent car ils achètent de l’électricité à bas prix durant la nuit, pour la revendre lors des pics de consommation (où le prix d’achat est très fort). La limite au développement de cette technologie, est la difficulté à trouver des zones de montagnes où installer 2 barrages proches.
Importance et problématique de l’éolien
L’énergie éolienne permet-elle de répondre aux besoins de production, soulage-t-elle le réseau lors des pics de consommation ?
Nous avons vu que le pourcentage de production de l’énergie éolienne est très faible (1 à 2 %). Son importance dans la production française totale est donc marginale. De plus, la production électrique varie fortement durant la journée, et d’un jour à l’autre. Nous voyons même que ces ces 2 dates, elle est inférieur de moitié le 2 décembre par rapport au 20 nov, alors que c’est précisément une journée de forte consommation !


Comparaison des production électrique et éolienne du 20 nov 2010 et du 2 dec 2010
De plus ses pics de productions sont aléatoires et différents des pics de consommation : l’éolien ne permet donc pas de stabiliser la production électrique, car c’est une énergie "fatale" (qui est produite quand elle veut : lorsqu’il y a du vent) à l’opposée d’une énergie "commandable", (qui est produite sur commande par l’homme). Pourquoi y a-t-il moins de production le 2/12 par rapport au 20/11 ? tout simplement parce que d’un point de vue météo, en France, les jours de grand froid (donc par forte consommation électrique), il n’y a généralement que très peu de vent dans l’ensemble du territoire, donc peut d’éoliennes tournent.
Nous pouvons dire que si les éoliennes produisent un courant fort utile (surtout lors des pics de consommation), elles ne permettent pas de stabiliser la tension du réseau électrique, mais agissent plutôt comme une source de perturbation, provoquant des pics, ou des creux de production à l’insu des agents d’ERdF qui doivent donc agir sur leur barrage (en plus des variations liées aux consommateurs). Tant que ce volume de production reste faible (quelques %), cela est largement inférieur à la variation des consommateurs, et donc relativement gérable. Lorsque l’éolien devient très important comme au Danemark (de 10 à 20% de la production annuelle suivant les années de fort ou faible vent), alors la gestion nationale devient impossible, et il faut solliciter l’aide de tous ces voisins (Norvège, Suède, Allemagne, Autriche, voir plus loin), pour faire jouer leurs barrage, ou leurs centrales au charbon, afin d’avoir un réseau électrique qui ne s’effondre pas. Mais avoir 10 ou 20% d’électricité éolienne revient à la fois à couvrir son pays d’éolienne (voir la carte sur cette page), mais aussi d’imposer à nos voisins de faire notre propre régulation électrique, ce qui n’est pas forcément simple, ni possible sans limites (le volume de leurs propres barrages).
L’éolien est certes utile, mais il exige un fort développement des barrage STEP, alors qu’en Europe, les sites potentiels d’installation de barrage sont déjà occupés à 90%. Du coup, à moins de prévoir de noyer de larges vallées dans les Alpes (vallée et villes de Grenoble, Chambérie, ....), construire un lot de barrages sur le dernier fleuve sauvage de France (la Loire), il devient improbable que l’éolien prennent un jour une part majeure dans la production électrique française ou Européenne. Idem pour le photo-voltaïque qui présente lui aussi les caractéristiques d’énergie "fatale", même si sa production est un peu plus simple à prévoir.
Pourquoi a-t-on des problèmes aujourd’hui ?
Comment se fait-il que nous ayons régulièrement des problèmes de production aujourd’hui, et pas il y a 10 ou 20 ans ? Et bien tout simplement parce que la France a construit en masse des centrales nucléaires jusqu’en 1985, où le plan de développement du parc électriques est arrivé à terme (tout ce qui devait être construit l’était), mais aussi parce que l’accident de Tchernobyl a jeté un froid sur ce type de technologie. Plus personne en France, en Europe et dans le monde n’a osé reconstruire de nouvelles centrales atomiques (par peur de la réaction des populations, plus que par crainte technique). De plus, en France, nous n’avons plus construit de nouvelles grandes lignes électriques (opposition de plus en plus forte des populations de voir une ligne THT devant chez eux). Du coup, la capacité de production et de distribution a stagné, alors que la consommation électrique a continuée de croitre (et continue encore) de 1 à 2 % par an (soit près de 50% en cumulé sur 20 ans). Alors que la France était en sur capacité de production électrique dans la fin des années 1980, et qu’elle exportait une partie non négligeable de sa production à ses voisins, nous nous trouvons aujourd’hui en sous capacité (EdF est globalement importateur de courant sur 1 année complète) car le développement récent de nouvelles centrales au gaz, ou de micro centrales hydrauliques ne permet pas de compenser la hausse de la consommation (boostée par le développement du chauffage électrique et de l’électrification progressive des transports). En conclusion : stagnation de la production + hausse de la consommation = pénurie de production au bout de quelques années.
Quelles solutions d’avenir pour répondre aux pics de consommation ?
Faute de pouvoir produire "toujours plus", une solution qui se développe doucement actuellement est tout simplement de "réguler", ou "limiter" la consommation. Plutôt que de couper totalement l’alimentation de quartiers entier afin de réduire la consommation électrique totale, ce qui a pour effet de plonger tous les clients dans le noir, de supprimer l’éclairage urbain, les signalisations électrique, et de mettre en situation d’urgence les service de secours (hôpitaux, pompiers, ... devant démarrer leurs groupes électrogènes) ; l’idée est de couper sélectivement certains services des clients (particuliers/entreprises). Ainsi des compteurs électrique "intelligents", pilotés à distance par ERdF, déconnecteraient automatiquement une partie de votre propre réseau électrique dans votre domicile (et dans celui de tous vos voisins), afin de réduire la puissance consommée, tout en conservant les parties "vitales". Par exemple l’éclairage électrique, l’alimentation du réfrigérateur, voir téléviseur, les ventilations (VMC), les circulateurs d’eau chaude pour le chauffage pourraient être conservé, pendant que les machines à laver, lave-vaisselle et autres radiateurs électriques seraient coupé. Cela garantirait les services public de base (éclairage public, feux de signalisation), ainsi que l’éclairage de tous les particulier, et le chauffage chez tous ceux qui se chauffent au gaz, fioul, charbon (et qui sans électricité pour faire tourner la VMC ou le circulateur du chauffage se trouvent également pénalisé sans chauffage). Seul les personnes se chauffant électrique seraient privées de chauffage, pour quelques heures théoriquement. Cependant, cette solution exige le changement de tous les compteurs électrique avec un inventaire, pour chaque maison, des lignes électriques pouvant être "sacrifiées". En attendant, ERdF se limite à lancer des alertes via la presse, SMS ou internet, appelant à des gestes citoyens de chacun. En dernier recours, ce sera le délestage, et la coupure générale pour certains. Comme l’ont connus les Alpes-Maritimes et le Var 2 fois ces dernières années ; certes, suite à des incidents techniques sur la ligne THT venant de Marseille, et non à des problèmes de surconsommation. Mais le résultat final est le même. Cela montre bien la fragilité de ces 2 départements, comme de la Bretagne, vis à vis de leur ligne THT, face à leur manque de centrales électrique locales. Avec, ou sans éoliennes.